Promesse tenue

La sensation de “déjà vu”. C’est la définition que je donnerais à New York. La métropole mondiale est une compilation de déjà vus. Et ce, même si c’est la première fois. Un sentiment à la fois surprenant et sécurisant qui font que les premiers pas dans la Grosse Pomme sont généralement un moment que l’on n’oubliera jamais. Mais que l’on a l’impression d’avoir déjà vécus.

Le grand départ

Au départ de Genève (CH) je pousse ma nouvelle valise sur le tapis roulant de Swiss Air, qui contient les 23 kg de ma vie pour les six prochains mois (ok j’ai peut être dû en soulever légèrement le coin avec mon pied tout en souriant innocemment à l’hôtesse). Au delà de mes vêtements, mon ordinateur, du Maggi, de l’Aromat et mon passeport, ma valise contient aussi de la crainte, de l’excitation, de l’espoir, de la réjouissance, de la tristesse et des attentes que peuvent susciter la ville américaine de tous les possibles. Mon bagage s’en va et je ne le reverrai que de l’autre côté de l’Atlantique, à l’opposé de la direction que va prendre mon copain lorsque j’aurai passé la sécurité. Partagée entre l’émotion du départ et l’excitation de l’arrivée, je lâche finalement la main de celui que je laisse en Suisse pour une demi-année, des larmes plein les yeux, pour suivre mon amie qui m’accompagne. Cette fois je ne peux plus revenir en arrière.

J’ai quitté mon job deux semaines avant l’heure du départ. Ce qui n’était pas prévu au programme initial. Je laisse derrière moi mon appartement, mes amis, ma famille, mes collègues, mes engagements, mes habitudes, mais une fois passée la douane, mon cerveau est étrangement déjà mis à jour, branché en mode reset et prêt à recevoir des nouvelles informations. Je fais le vide et je laisse la place pour accueillir ma nouvelle expérience. Malgré ce qu’on a le temps de créer en 28 ans de vie, c’est fou de voir comme on peut facilement repartir de zéro. Je ne pense plus à rien si ce n’est la nouvelle destination qui m’attend. 

New York ne ment pas

Je foule mes premiers pas sur sol américain sous la neige. Le cliché de New York sous les flocons blancs, sauf qu’il fait plus gris que blanc. New York est une explosion de “trop”, de “plus”, d’ “immense”, d’ “infini” et d’ “absurde” pour nous, petits Européens. Malgré la bombe culturelle qui nous explose à la figure, New York correspond à 100% aux attentes que l’on a de la ville. De mon village natal du canton de Vaud qui compte 4’000 habitants, autant de vaches et une rivière qui serpente entre la montagne et la forêt, le choc est grand.

La tête constamment levée vers le haut des gratte-ciels, étonnée par chacun des choix qu’offrent cette ville et ce pays, je ne suis pourtant pas choquée par la nouveauté. Comment peut-on débarquer dans une ville située littéralement à l’autre bout de la planète, géographiquement et culturellement, mais avoir l’impression de déjà connaître ses rues, ses immeubles, ses parcs, ses musées et ses quartiers ? Parce que New York n’est inconnu pour personne. Et c’est là tout le paradoxe de cette métropole. A la fois connue dans la pensée collective, par les films, les séries, les livres, la musique, elle restera pourtant toujours inexplorée et secrète, même des New Yorkais “born and raised”. Quel sentiment étrange de débarquer après neuf heures de vol, traverser une rue et dire: “Je reconnais cet endroit!” parce qu’on l’a déjà vu au cinéma. Et avec quelle authenticité. Sans déception, on est littéralement projetés devant la maison de Carrie Bradshaw (Sex and the City, HBO, 1998-2004), les escaliers du Met où se retrouvent Blair et Serena (Gossip Girl, CBS,  2007-2012), la St. Patrick’s Old Cathedral où Michael Corleone assiste au baptême de son neveu (Le Parrain, Francis Ford Coppola, 1972), Central Park qui n’échappe à aucun film de Noël ou encore l’immeuble de Friends (NBC, 1994-2004). Si familier. Pourtant, il faudrait environ 23 ans pour tester tous les restaurants de New York sans jamais passer au même endroit. Projet quasiment impossible vu la vitesse à laquelle les établissements ferment, ouvrent, changent de tenanciers. Brooklyn est deux fois plus grand que Paris et pourrait être la quatrième plus grande ville des USA, à l’image de Houston (Texas). Ce n’est qu’un quartier. New York ne sera jamais totalement explorée par ses 8 millions d’habitants. Mais tout le monde reconnaitra la statue de la liberté, les taxis jaunes, Wall Street, l’Empire State Building et les maisons en briques rouges de Brooklyn et les rues de Soho sans jamais les avoir vus auparavant. 

J’oublie rapidement tout ce qui m’a mené jusqu’ici, le travail, l’envie d’indépendance, le besoin de grandeur, de changement, d’expérience. Tout ce que j’ai quitté, avec regret ou non. La ville m’a absorbée sans même que je m’en rende compte. Et l’angoisse de l’inconnu s’est évaporée aussi vite que la neige a fondu sur Central Park.

Tout le monde et personne n’appartient à New York. On s’y sent à sa place, mais on est perdus. Et je me sens comme tout le monde et personne. Je ne suis qu’une petite fourmi dans la fourmilière. Et pourtant, j’ai le sentiment d’appartenir à cette immense maison et d’y avoir ma place.

New York ne ment pas.
Une compilation de déjà vus, qu’on ne reverra jamais ailleurs. Qui veut accueille comme si vous ne l’aviez jamais quittée. 

Précédent
Précédent

700 jours sans neige